CRÉDIT IMMOBILIER : VERS UNE HAUSSE DES TAUX ?

Toute action provoque une réaction, et l'effet de la crise du Covid-19 sur l'économie ne s'est pas fait attendre... ralentissement des flux, arrêt partiel ou total des activités par secteurs... et une petite tendance à la hausse des taux liés au crédit immobilier après des baisses qui se sont succédés au fil des trimestres pour atteindre un record historique en dessous du seul des 1% en période d'avant-crise. Qu'en est-il, comment interpréter ces signes et quels seront les impacts d'une hausse des taux des financement dans l'immobilier ?

 

Une hausse toute relative...

Mais une hausse significative des taux de financement de 0,25 point de pourcentage en moyenne sur toutes les durées, qui tranche avec les derniers taux connus d'avant la crise, dont les niveaux historiquement bas avaient commencé à générer un effet de "bulle financière immobilière" mettant les établissements bancaires en souffrance et les contraignant à travailler avec des marges dégradés dans un secteur concurrentiel et sur des dossiers parfois lié à ces profils d'épargne à faible valeur ajoutée.

Donc même si ces hausses peuvent surprendre dans le contexte que nous connaissons, elles restent logiques et sont le signe que les banques anticipent une reconstitution de leurs marges afin/avant de continuer à valider de nouvelles demandes de prêts en période de post-crise.

 

Des taux un peu plus en phase avec la réalité

Pour nous donner une idée, cette hausse des taux relative à la crise du Covid-19 a pour résultat de booster les aux moyens aux alentours des 1% sur un crédit amorti sur 10 années, 1,10 sur 15 ans, 1,50 sur 20 ans et 1,60 sur 25 ans... rien qui ne mette en péril le profil d'investissement en général... mais cependant un léger impact sur le niveau d'endettement de l'emprunteur lorsque les capacités d'emprunt -et les revenus- sont limités.

Il est donc à redouter que les ménages avec les revenus les plus faibles seront les plus impactés par cette hausse des taux, sauf à ce que l'investissement envisagé ait un caractère patrimonial privilégié dans le cadre de la stratégie du client, et sauf à ce que les revenus de l'emprunteur soient évolutifs. 

 

Les taux pouvaient-il encore baisser ?

Si les taux d'intérêts -trop- bas sont une douce musique à nos oreilles, il n'en reste pas moins que leur effet sur le système économique et boursier est parfois équivoque, et l'on peut se poser la question de savoir si à terme, favoriser l'accès à la propriété à tout prix et à la limite de capacité de remboursement des ménages est une bonne chose, si financer les entreprises à bas taux favorisera les investissements plus que les distributions de dividendes ou les rachats d'actions, et si au final cette baisse des taux n'affecte pas également la rémunération de l'épargne privée stocké dans les produits classiques.

Au-delà d'un retour à la profitabilité du système bancaire... et de ses filières divers dans le monde du commerce, de l'industrie et des services, c'est un écosystème tout entier que la politique de crédit à bas taux était en train de ronger de l'intérieur, et c'est avec une lucidité bienveillante qu'il faut accueillir ce retour à la normale d'une situation que ne pouvait plus perdurer.

 

Vers un retour attendu à la normale...

Ce retour à la normale, c'est le retour aux valeurs de bases de la création de richesse : celles qui président à l'évaluation du projet et au calcul des risques induits... Le fait que le capital est un coût un peu plus "mordant" qu'hier n'est pas une fin en soi, c'est un indicateur, un paramètre qui nous permet de nous projeter dans le caractère productif et profitable du projet envisagé, son urgence et sa destination. Mais c'est aussi un élément de mobilisation de notre épargne "stérile" vers des projets d'avenir ou d'investissement plus rentables, pour les ménages comme pour les entreprises.

Ainsi la question n'est plus de savoir ce que je vais pouvoir acquérir parce que j'ai accès à des taux quasi nuls... mais plutôt pourquoi et comment je vais continuer à préparer mon avenir et à créer de la richesse ou du profit, avec des taux d'intérêts légèrement plus positifs... l'éternel débat du "Want" contre le "Need" comme le définissent nos cousins d'outre-Atlantique.

 

Replacer l'église au centre du village...

Une sortie de crise prochaine qui va nécessiter toute notre attention et notre énergie, la reconstruction d'un avenir commun qui va soulever des questions et des stratégies que nous avions jusque-là choisi d'ignorer, une remonté des taux qui était largement anticipable, mais qui reste néanmoins raisonnable... rien d'insurmontable.

Et de se rappeler que si le calcul du risque reste l'essence même du métier de banquier, la lucidité et la clairvoyance sont l'apanage de l'emprunteur.


Auteur : Nicolas Viale
Président et Fondateur de
INEUF.com